Citoyenneté
Trois femmes retrouvent leur place (publique) dans l'histoire
Parthenay
Publié le
« La féminisation des noms de rue engagée dans de nombreuses villes de France, par exemple à Paris, m’a interpellée. J’ai voulu regarder quelle était la situation à Parthenay », se souvient Magaly Proust, première adjointe, chargée de la participation citoyenne, de la politique de quartiers, de la jeunesse et de la vie associative, à l’initiative de ce projet.
Où sont les femmes ?
Le constat dressé est alors fort peu reluisant : « une situation peut-être même pire qu’ailleurs à Parthenay », avec la quasi-absence des femmes dans la toponymie, illustrant le manque de reconnaissance de leur rôle dans l’histoire, locale ou nationale.
« Après l’émergence de l’étude de l’histoire des femmes, dans les années 1980, nous avons peu à peu pris conscience de leur invisibilisation dans l’espace public », confirme Raphaël Supiot, responsable des archives de la ville.
Choisir des lieux « qui ont du sens »
C’est ainsi que la campagne de féminisation est lancée. Pour rejoindre Marguerite Martin, Gabrielle Bordier, George Sand, Sœur Catherine et Mélusine, trois femmes sont choisies : Clémentine Pétreault, Claire Ged et Léontine Le Maner par la municipalité (voir leur biographie ci-dessous).
« J’avais préparé une liste de noms, ainsi qu’une liste de lieux » détaille l’archiviste. « Des endroits sans adresse postale, et qui n’avaient pas encore de nom, ou bien dont le nom était redondant, comme pour la rue et la place Arthur de Richemont ».
Etape suivante : faire le lien entre les emplacements et les candidates potentielles. « Nous souhaitions que cela ait du sens, que les lieux soient en adéquation avec la personne », confirme Magaly Proust.
C’est ainsi que Léontine Le Maner, ancienne directrice de La Couldre, a donné son nom à une place située à proximité de l’établissement scolaire.
Un passage jusqu’alors anonyme, situé à proximité de la promenade André-Patou, porte à présent le nom de Claire Ged. Ces deux Français engagés dans la Résistance sont désormais réunis.
Et, dans le quartier des Terres-Rouges, à côté des artistes Ernest-Pidoux, Raoul-Salaun et Henri-Amirault, se trouvera naturellement le square honorant la faïencière Clémentine Pétreault. Il sera inauguré en juin 2025, en présence des descendants de la faïencière.
Nommer pour ne pas oublier
« C’est une première étape », annonce la première adjointe. « Nous espérons que cela amène les Parthenaisiennes et les Parthenaisiens à s’intéresser à l’histoire de ces femmes, pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli ».
« Nous avons déjà d’autres noms en tête et d’autres lieux à baptiser en 2025. Nous pourrions aussi nommer des équipements sportifs et culturels de Parthenay ! ».
Biographies de Claire Ged, Léontine Le Maner et Clémentine Pétreault
Claire GED (1914-2002)
Engagée dans la France libre
Née en 1914 à Marseille, après une licence d’anglais, elle est assistante de français à l’université de Swansea (Pays de Galles) au moment de la guerre. Répondant à l’appel du 18 juin 1940, elle s’engage dans la France libre.
Elle est affectée au secrétariat général de la coordination des affaires civiles, comme attachée de presse et pour assurer la traduction en anglais des discours du général De Gaulle et de Maurice Schumann (voix de la France libre à la BBC).
Après la libération de l’Afrique du Nord, elle accompagne en 1943 le comité français de la libération nationale qui siège à Alger, travaillant dans un service dédié à la recherche des personnes infiltrées.
Elle termine la guerre comme speakerine de la radio de la France libre aux Indes, et agent chargée de l’analyse de la presse locale. Elle a écrit parfois dans La Tribune des Nations.
Après la guerre, elle trouve l’imprimerie parentale à Marseille anéantie par un bombardement dans lequel son frère a été tué. Elle se marie avec son cousin le Dr Michel GED, qui fut aussi résistant et tenait un cabinet de radiologie à Parthenay. Elle élève six enfants. Elle décède à Limoges le 11 août 2002.
Léontine LE MANER (1879-1978)
Directrice de l’école Notre-Dame de la Couldre
Léontine PRETERRE naît à Paris en 1879 de père inconnu et d’une fille-mère lingère; ce n’est qu’à l’âge de 20 ans qu’elle est reconnue par sa mère.
En 1903, les religieuses Ursulines de Chavagnes sont expulsées de l’Institution Notre-Dame de la Couldre, du fait de la loi sur les congrégations. Jacqueline Guilhaud acquiert les lieux et reconstitue un établissement dédié à l’enseignement des jeunes filles catholiques, avec des institutrices laïques. Il se trouve dirigé par Léontine, qui se marie en 1912 à Fontenay-le-Comte avec Jean LE MANER, également instituteur libre.
Léontine LE MANER assure avec dévouement et autorité l’éducation de plusieurs générations de Parthenaisiennes. L’établissement a une bonne réputation ; le spectacle de fin d’année contribue alors à la vie culturelle de la cité.
En 1947, les institutrices libres prennent leur retraite et sont remplacées par des religieuses. Léontine se retire un temps avec Mme Guilhaud dans une maison de Parthenay, rue de la Place. Elle décède à Faye-l’Abbesse en 1978.
Pendant la guerre, l’institution Notre-Dame de la Couldre contribue au sauvetage des enfants juifs. Plusieurs juives venues de la région parisienne, menacées par les persécutions antisémites et la déportation sont cachées dans l’établissement.
Parmi elles, Sarah HUZ et sa soeur Fanny sont envoyées à Parthenay par leur mère, veuve, contrainte de se déplacer avec de faux papiers, qui se résout à confier ses enfants à une filière de sauvetage. C’est Léontine LE MANER qui vient elle-même les chercher à la gare Montparnasse pour les conduire à Parthenay. Sarah et Fanny HUZ gardent le souvenir d’une existence
sauvegardée. Bien que n’ayant subi aucune pression d’ordre confessionnel, elles souhaitent parfois « faire comme les autres ». Elles n’ont jamais eu écho des arrestations de juifs résidents à Parthenay en janvier 1944.
Clémentine PETREAULT (1870-1961)
Recrutée à l'âge de douze ans comme apprentie, dès l'ouverture de la faïencerie elle exécute des travaux très minutieux, notamment des ajourages. Elle signe quelques rares pièces de sa main : cache-pot, baguier aux croissants de Diane de Poitiers, gourde. Elle assure aussi la direction de la faïencerie de 1907 à 1910.